Imaginée et créée par Albert Delsuc, secrétaire général de la Fédération nationale des blessés du poumon et des chirurgicaux (FNBPC), qui s'inspira pour cela des modèles de villages sanitaires anglais (Papworth en particulier), cette cité est une expérience unique en France, matérialisant les aspirations du socialisme utopique. On peut s'étonner qu'elle ait pu voir le jour dans un contexte politique a priori hostile (c'est une majorité de droite qui accorda les subventions), et à une époque où le "modernisme" est encore synonyme de "bolchevisme". Modèle de la luttre contre la tuberculose, elle prend prétexte de la cause humanitaire et médicale : lieu de transition pour les malades en bonne voie de guérison vers la vie de bien portant ; plus donc qu'un simple établissement de convalescence, elle doit permettre une réintégration complète dans la vie sociale. Le malade y retrouve sa famille, ses activités, un travail... Mais la Cité fait partie d'un véritable projet de société où l'hygiénisme organise la société de façon rationnelle – on pourrait dire où la société est "sous haute surveillance médicale". Propriété privée et activités commerciales y sont bannies, tous les pouvoirs sont centralisés, revenant à la Fédération. Elle constitue l'oeuvre centrale de la carrière de Pierre Forestier, qui obtient cette commande – relativement tôt dans sa carrière – grâce à son entourage familial lié à des personnalités de l'hygiénisme social. Parmi celles-ci, le docteur Hazemann – militant communiste proche d'Henri Sellier – est un acteur important dans la réalisation du projet : il en élabore le programme médical et technique. Pierre Forestier devient donc en 1930 l'architecte attitré du commanditaire de la Cité, la FNBPC. L'architecture et l'urbanisme sont soumis aux impératifs hygiénistes : P. Forestier établie d'abord un plan de zonage des activités (démarche innovante pour l'époque) impliquant l'éloignement de la zone industrielle ; construits sur un terrain en pente favorablement orienté, les pavillons sont largement ensolleillés, séparés les uns des autres et ceints de verdure. Inspirés par l'architecture de Perret, la plupart des édifices utilisent une structure en béton armé apparent. Forestier, imprégné des théories modernistes (Le Corbusier, le Bauhaus, les réalisations du groupe De Stijl), conçoit les pavillons comme des objets industriels. Grâce à cette approche rationnelle et à son sens de l'organisation, la cité est contruite rapidement (1930-1934). Attentif au moindre détail, Forestier étudie jusqu'au mobilier, prévoyant également l'équipement ménager des pavillons. Pierre Forestier aura la charge de la Cité jusqu'à la fin de ses jours. Saluée par la presse de l'époque, la Cité connaît un vif succès auprès des bénéficiaires, mais, pour des raisons diverses (rumeurs sur les risques de contagion, aléas politiques, difficulté à faire déplacer des familles entières, relative cherté de la vie sur place au regard des montants des pensions allouées), elle aura vite du mal à afficher complet. Malgré cela beaucoup d'anciens malades s'implantent définitivement à Clairvivre. La cité de Clairvivre connaît quelques vicissitudes à l'occasion de réquisitions (guerre d'Espagne, Seconde Guerre mondiale). En 1980 elle devient Etablissement public départemental d’action sociale, de réinsertion professionnelle et d’aide par le travail. En 2001 on y compte un millier d'habitants. VOIR AUSSI : programme détaillé dans la fiche FORPI/C/30 Réf. bibliographiques : - Hazemann (Robert-Henri), "La cité sanitaire des blessés du poumon", Revue d'hygiène et de médecine sociale, Nancy, fév. 1932. - Cadilhac (Paul-Emile). "La Cité du soleil", n°4717, 29 juil. 1933. - Lepage (Julien), "La cité sanitaire de Clairvivre à Salagnac", Chantiers, nov.-déc. 1933. - "L'hôpital de la cité sanitaire de Clairvivre à Salagnac". L'Architecture d'aujourdhui, 1934, n° 9, p. 46 - 47. - Forestier (Pierre). "Clairvivre, première cité sanitaire française, oeuvre de la fédération nationale des blessés du poumon et des chirurgicaux", Clairvivre, 1937. - Moreau (Pierre). "Cité Clair Vivre : la ville à la campagne", Projets : revue d'architecture [...] Aquitaine et Midi-Pyrénées, janv. 1996. - Moreau (Pierre). "Clairvivre, une ville à la campagne". Paris : Le Linteau, 2002 (200 p. ill. noir). Voir les films d'Éliane Tayar (liens dans la rubrique "Autres sources" de la fiche de présentation du fonds Forestier).